I. Généralités :
L’expression « commentaire d’arrêt » est couramment consacrée, mais l’exercice peut porter aussi bien sur un arrêt que sur un jugement. Il s’agit d’un commentaire d’une décision de justice, de quelque juridiction qu’elle émane ( TI, TGI, CA, C. cass, CE…), même si le plus souvent, la décision à commenter a été rendue par la Cour de cassation.
L’exercice requiert une rigueur terminologique, non seulement quant au fond du droit mais aussi au regard de la procédure. Ainsi :
- Un jugement n’est pas n’est pas un arrêt
- Un décision de cassation doit être bien différenciée d’une décision de rejet ;
- les arguments des parties ne sont les décisions des juges.
Il ne faut pas non plus oublier que la Cour de cassation répond à une question posée donc ne peut lui reprocher de ne pas se prononcer, si le problème n’est pas ou mal soulevé par les parties.
L’exercice est considéré comme complexe, car il présente deux difficultés principales.
Le premier écueil à éviter est la paraphrase de la décision. Il ne faut pas se borner à répéter sous d’autres termes la solution donnée.
Une véritable analyse est attendue de l’étudiant.
Le second écueil est la récitation de cours. L’arrêt est alors un prétexte pour disserter sur des points sans les mettre en relation avec l’arrêt ou en lien très indirect avec l’arrêt.
Il ne s’agit pas d’expliquer l’arrêt. Le commentaire d’arrêt n’est pas une dissertation. Il faut donc toujours en revenir à l’arrêt, le citer.
Il faut donc faire preuve de connaissances, mais aussi de capacités d’analyse et d’un bon sens critique.
Première opération : établir une fiche d’arrêt
Il s’agit de reconstruire :
- Les faits
- La procédure
- Les thèses en présence
- Le problème du droit
- La solution de la Cour de cassation.
Deuxième opération : Examen critique de l’arrêt
A cette étape, il s’agit de qualifier les faits, les formuler en termes juridiques et parfois un effort d’interprétation des raisonnements qui ne sont pas clairement exprimés. Il faut alors les reconstituer.
Ce travail permet d’identifier les différents problèmes juridiques posés et résolus ou non par l’arrêt. Il arrive qu’un problème ait mal été posé, empêchant la Cour de cassation.
Il arrive que la Cour de cassation ne réponde pas à toutes les questions posées ou le plus souvent qu’elle ne réponde pas à tous les arguments. On peut alors supposer qu’elle néglige volontairement une motivation peu pertinente.
La critique s’entend au sens large et peut être positive ou négative.
Il est important d’apprécier la solution : la solution est-elle conforme au droit, à la morale, à l’équité, au bon sens ?
Approuve-t-on l’arrêt ? Le raisonnement juridique est-il correct ? Quels sont les précédents ?
La décision s’inscrit-elle dans une continuité d’une jurisprudence constante ou au contraire est-elle en rupture ?
Il faut toujours confronter la solution de l’arrêt avec les textes ou les principes qu’il est censé appliquer. Y a-t-il des ajouts, une déformation du texte ou au contraire une application fidèle ?
Quelle est l’interprétation retenue ? Le texte appliqué était-il obscur et exigeait-il une interprétation des juges ?
S’il s’agit d’une décision ancienne, il faut regarder si elle est toujours conforme au droit positif (lois et jurisprudences postérieures).
S’il s’agit d’une décision récente, il faut la comparer avec le droit antérieur.
Si la solution n’est pas nouvelle, on attend simplement de l’étudiant qu’il explique l’état du droit positif.
Si la solution est nouvelle, il faut montrer vos qualités personnelles d’analyse. Il faut mener votre propre réflexion. Cela n’implique cependant pas nécessairement que vous deviez faire abstraction de vos connaissances, car il est possible que la solution nouvelle consacre un point de vue doctrinal ou reprenne une solution ancienne.
NB : Réflexions et connaissances sont toujours exigées, même si l’on peut se révéler plus important que l’autre selon si la situation est nouvelle ou non.
Comment trouver le plan d’un commentaire d’arrêt ?
1. Analyse de l’arrêt
Elle passe par l’analyse du sens, la portée et la valeur de la décision.
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Le sens
Le sens est l’explication de l’arrêt. C’est l’aspect explicatif du cours, lequel cours doit être utilisé, sans être « plaqué ». Il doit toujours être mis en relation avec l’arrêt. Il faut donc non seulement avoir des connaissances mais aussi faire preuve d’une grande pédagogie. Il ne faut pas hésiter à hésiter à expliquer l’arrêt dans le détail et ne jamais partir du principe que le correcteur connaît le cours. L’arrêt doit pouvoir être compris par les profanes.
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La portée
La portée suppose que l’on s’interroge sur la règle retenue pour déterminer quelle influence elle peut avoir : s’agit-il d’un cas particulier, d’une règle de portée générale, soit d’un arrêt de principe ou d’un arrêt d’espèce ? La Cour de cassation annonce-t-elle une évolution, un revirement de jurisprudence ?
La détermination de la portée suppose de bien comprendre l’arrêt et de le mettre en perspective avec le droit existant. Les connaissances sont donc essentielles.
Il faut donc envisager les conséquences de l’arrêt, non seulement au regard de la situation des parties, mais plus généralement s’il s’agit d’un arrêt de principe.
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La valeur
La valeur de la décision implique que l’on porte une appréciation, positive ou négative, que l’on discute la motivation.
C’est à ce moment qu’il faut se demander si la solution est conforme au droit, à la morale, à l’équité, à la justice, à l’opportunité.
2) L’élaboration d’un plan
Il est difficile de déterminer dans l’abstrait un plan type pour le commentaire d’arrêt, parce que précisément il doit être très proche du cas d’espèce.
Il faut donc partir du cas d’’espèce et du ou des problèmes traités, susceptibles de constituer des parties.
Il ne faut pas hésiter à faire un plan fondé sur les problèmes. Si on peut dégager deux problèmes de droit différents, constituent les deux parties.
Pour aider à la construction d’un plan fondé sur des problèmes, il faut reprendre les termes exacts de la solution.
On peut aussi découper cette solution, suivants les difficultés résolues, les éléments factuels rappelés qui viennent préciser la solution, ou encore en reprenant les restrictions ou limitations de la solution. Si un principe et une exception sont exposés, ils pourront constituer les deux parties du plan.
Il est également possible d’utiliser un plan type, à condition d’en habiller les intitulés.
Exemple : – Les causes/les conséquences.
- Les conditions/les effets.
- Le sens (exposé de la solution)/ la portée et la valeur (l’appréciation de la solution).
De tels plans types sont particulièrement utiles quand un seul problème de droit est traité.
Plan en trois parties est en principe admissible mais le raisonnement juridique est le plus souvent binaire et les correcteurs sont sensibles à une telle formation de l’esprit.
Cela ne signifie pas qu’un plan à trois parties est systématiquement proscrit. En particulier, si trois problèmes de droit distincts sont traités dans l’arrêt, trois parties s’imposent.
L’essentiel est que le plan en trois parties soit le plus pertinent, logique et qu’il puisse être facilement justifié.
L’introduction du commentaire d’arrêt
Il faut commencer l’introduction en situant immédiatement la décision à commenter, en présentant la question posée en une ligne. Il faut que le lecteur sache tout de suite de quoi il s’agit. Il faut présenter aussi très exactement quelle chambre a rendu l’arrêt, à quelle date et quelle est la nature de la décision.
Exemple : « L’arrêt de rejet rendu par la première chambre civile le 12 mai 2012 contribue à renforcer la jurisprudence sur… » ou encore « l’arrêt de cassation rendu par la deuxième chambre civile le 5 mars 2015 remet en cause l’annulation antérieure relative à… ».
La suite de l’arrêt est l’énoncé de la fiche d’arrêt qui doit être clairement rédigée et reprise. Il faut donc rappeler les faits, la procédure, les thèses en présence (pourvoi ou Cour d’appel), le problème de droit, la solution. Il ne faut pas oublier de citer in extenso la décision de la juridiction, le plus souvent la Cour de cassation.
Il faut ensuite annoncer le plan et rédiger les parties, en suivant le raisonnement échafaudé pour construire le plan, tout en expliquant l’arrêt, en le situant ( portée) et en l’appréciant ( critique positive ou négative) en droit voire en morale, justice et équité.
Le développement
Comme pour toute épreuve écrite, le candidat veillera à l’orthographe, la grammaire, la syntaxe.
Il exprimera ensuite son avis sur l’arrêt dans un bon français et n’oubliera pas de mettre en guillemets quand il citera l’arrêt.
Il ne faut pas oublier que la construction du commentaire d’arrêt est étroitement lié à l’arrêt lui-même, aussi est-il normal que les développements soient réduits si l’arrêt est lui- même assez pauvre (Mieux vaut des développements courts pertinents, clairs et en lien direct avec l’arrêt, que des passages des courts inutiles à la compréhension de la solution).
La conclusion
Aucune conclusion proprement dite n’est exigée dans un commentaire d’arrêt.
Néanmoins, il est logique et souhaitable de garder les remarques relatives à la portée de l’arrêt, notamment à l’avenir, à la fin du devoir. Il en est de même de l’appréciation critique, positive ou négative de la solution.